« La vie, après » de Antoine Leiris

Éditions Pocket
Parution le 15/10/2020
148 pages

Voici la suite du premier récit poignant d’Antoine Leiris (Vous n’aurez pas ma haine). Celui où il nous raconte la disparition tragique et barbare de sa bien aimée, de son amour, son pilier, la mère de son petit garçon Melvil. Celle qu’ils ne reverront plus jamais. Qui un soir de concert a perdu la vie sous les balles des terroristes du Bataclan.

Quatre ans après, nous les retrouvons tous les deux, père et fils, cheminant dans cette existence qui ne sera plus jamais la même. Mais comme on a coutume de dire, la vie doit continuer.
Le temps a beau passer, les blessures ne s’effacent pas. Antoine doute très souvent, se demande s’il est un bon père pour son enfant qui n’a plus qu’un parent.
« Avoir la guerre en héritage. La transmettre à mon tour à mon fils. Lui qui est né une deuxième fois d’une rafale de mitraillette. »

Ils reconstruisent à deux une histoire au sein de laquelle il manquera toujours quelqu’un.
« Je ravale l’envie de le prendre dans mes bras, de l’entourer de papier-bulle et de le ranger dans un tiroir pour être sûr qu’il ne pourra rien lui arriver. »

Pas à pas, père et fils avancent, main dans la main, le coeur serré, brisé et blessé à jamais, mais la vie est là et doit suivre son cours.
Un récit toujours aussi poignant, qui m’a fait revenir en mémoire cet épisode de terreur. Il n’est pas larmoyant bien au contraire. Une lecture courte et très percutante, qui nous donne envie, à notre tour, de les serrer fort dans nos bras.

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« Ne dis pas – Une enfance cachée » de Martine Papiernik

Editions L’Arche de Noé
Parution en Février 2023
95 pages

J’ai eu l’immense privilège de lire ce livre lorsqu’il était encore un sublime manuscrit. Ce fut un énorme plaisir et surtout un grand honneur pour moi. On a beau lire ce qu’on a déjà lu, lire ce qu’on sait déjà, et pourtant, à chaque nouvelle lecture sur cette terrifiante période, l’horreur et la barbarie sont à chaque fois plus intenses.
J’ai dévoré son histoire, celle de sa famille touchée en plein cœur, qui m’a profondément bouleversée. Martine Papiernik a trouvé le ton approprié, le parfait équilibre, les mots justes qu’elle a posés sur « ses maux » et ceux de ses proches. J’étais bien loin d’imaginer ce lourd vécu, même si j’en avais une vague idée, mais toujours tristement éloignée de la réalité.
Mes larmes ont coulé, quel que fut l’endroit de ma lecture. Je n’ai pas été en mesure de contenir l’émotion qu’elle m’a procurée.
Je suis une passionnée de tous les récits traitant des déportations et de la Shoah… et même si ma famille n’a absolument pas été impactée par ces actes inhumains, je suis toujours très émue, à leur lecture. Cela est d’autant plus vrai lorsqu’on a la chance de connaître une personne qui en témoigne, comme c’est ici le cas.
Lorsque vous ouvrirez cet ouvrage que je vous conseille vivement de découvrir, l’histoire de famille vous sera contée, ayant vécu l’insoutenable : déportée, l’enfer des camps, la déshumanisation, mais aussi la reconstruction, la libération, la perte de ses êtres si chers… Dans sa préface, rédigée par Mr Klarsfeld, il y est fait mention d’une « onde de choc », le terme est tout à fait juste.
Oui. J’ai lu son manuscrit. Et je savais au fond de moi que ces pages ne pouvaient pas rester au fond d’un tiroir et juste entre les mains de la modeste blogueuse que je suis. Un livre devait voir le jour, naître de cette histoire. Et le voici, avec cette écriture extraordinaire, un récit à portée de tous.
Très chère Martine, vous savez combien votre texte m’a subjuguée… Je suis très heureuse pour vous et votre famille de la concrétisation de ce beau projet littéraire. Le temps est venu « de dire », voilà qui est fait, grâce à votre travail magistral.

« Les montagnes roses » de Rose Keren

Éditions Eyrolles
Parution le 25/08/2022
228 pages
Note : 10/10

Le Club Lecteurs Eyrolles

04/09/22

Humeur : ravie de cette nouvelle lecture

Recherche du jour : « La liste » de Rose

Je suis très heureuse de réécouter votre chanson, que je fredonne souvent, dès sa diffusion sur les ondes ou dès que j’en ai envie. Elle me donne la pêche. Mais depuis le temps que je la chantonne, j’ignorais ce pan de votre vie. Et c’est donc à travers votre journal que je découvre votre parcours de combattante contre le cancer du sein.
« Écrire, ça donne le vertige quand on est honnête et ça donne la nausée quand on ne l’est pas. Tout le monde voudrait écrire, mais presque personne n’ose. Ou seulement pour soi. »
Comment trouvez-vous la force de détourner vos propos de sorte à donner une autre tournure aux situations difficiles auxquelles vous êtes confrontée ? Vous êtes impressionnante ! Au point même de parfois réussir à nous faire sourire…
Je n’ai pas eu l’impression que vous vous plaigniez. J’ai plutôt eu le sentiment d’être votre confidente. Vous écouter me raconter les obstacles que vous avez franchi. Être votre épaule le temps de ces quelques pages…
« J’aurais aimé lire un livre d’une nana un peu timbrée qui se débat comme elle peut avec les hormones et un sein en moins. »

06/09/22

Humeur : surexcitée de rencontrer Rose

Recherche du jour : librairie Eyrolles

J’étais arrivée à quelques pages de la fin de ce récit. Mais je voulais rester encore un peu à vos côtés, alors j’ai ralenti ma cadence de lecture, pour que vous puissiez encore être avec moi sur mon chemin du retour.
« Ce journal est mon seul refuge. Et j’espère qu’il pourra être un peu le vôtre. »
Vos chansons m’ont accompagnée tout au long de vos mots, fredonnées dans ma tête. Rien que pour moi.
« Je préfère imaginer que ce livre peut toucher le cœur des gens comme une chanson. »

« J’ai réussi à retranscrire presque tout ce qui m’a traversée durant ces derniers mois. Et aujourd’hui, mon journal « intime » pourrait devenir un livre… »
Et Oui, il est bel et bien devenu un très beau livre, Rose, bouleversant mais pas larmoyant, même si j’ai été submergée par l’émotion. Touchée en plein coeur, j’ai adoré votre journal et suis très heureuse de vous avoir rencontrée ainsi que votre fils Solal (qui m’a dit être très fier de vous).
Je vous souhaite le meilleur, une belle continuation et au plaisir de vous écouter, lire et revoir à nouveau !

« Et quand je me demande l’heure qu’il est, j’essaie de répondre tout simplement : il est maintenant ! »

« Maëlys » de Jennifer De Araujo avec Tiphaine Pioger

Éditions Robert Laffont
Parution le 27/01/2022
262 pages
Note : 9/10

Cette histoire est tristement bien connue de nous tous. Et malgré cela, à travers ce récit poignant, Jennifer De Araujo nous bouleverse car avec ses mots à elle, on rencontre Maëlys.
Voici une mère inconsolable qui dépeint le portrait de sa chère petite fille qu’elle ne reverra plus jamais. Celui d’une enfant qui avait toute sa vie devant elle, une joie de vivre et l’insouciance de l’enfance.
Elle a croisé la route d’un monstre, son amour pour les chiens lui a coûté sa vie. Il a fait de ce petit ange ce qu’il a voulu. Il a brisé sa destinée, anéanti sa famille et ses proches, plus rien n’effacera ses actes et ne fera revenir Maëlys.
Son bourreau sera jugé, pour ce qu’il a fait. A elle et à tant d’autres. Si l’histoire de cette petite fille devait servir malheureusement à quelque chose, ce serait bien que Nordahl Lelandais soit arrêté, lui et ses agissements. Ne plus faire de mal à d’autres innocents.
Je partage ici avec vous l’atrocité de cette lecture, comme elle fut dure. Et pour finir ces pages de tristesse et de détresse, les lettres d’un père et d’une mère, à leur chère et tendre fille, un amour inconditionnel. Celui de parents pour leur enfant.
La gorge nouée, voilà dans quel état la lecture de ce douloureux récit m’a laissée.

« Nordahl Lelandais – Du procès Noyer au procès Maëlys » de Aude Bariéty

Éditions du Rocher
Parution le 26/01/22
161 pages

Dès les premières pages, on voit ces prénoms défiler. Ceux des victimes. De celles et ceux qui ont croisé la route de Nordahl Lelandais.
Et puis s’ouvrent les portes du tribunal. Nous voilà embarqués pour 7 jours de procès. Celui d’Arthur Noyer.
On découvre le parcours de vie de l’inculpé, son enfance, sa famille, sa scolarité, ses relations, ses penchants, ses passions, ses obsessions…
Et puis défilent les témoignages qui nous livrent les circonstances de leurs rencontres avec Nordahl Lelandais.
Parfois normales, parfois très ambiguës.
Ce procès est la quête de la vérité sur la mort d’Arthur Noyer. Sur toile de fond de la disparition de Maëlys dont le procès suivra.
C’est avec une extrême émotion qu’on entend les proches d’Arthur, d’écrire un jeune homme plein de vie, cette vie qu’il avait devant lui et qui lui a été ôtée à jamais. Alors non, rien ne le fera revenir, rien n’effacera ce drame mais ils ont besoin de savoir. Sincérité. Vérité.
Aude Bariéty est journaliste et nous livre ici un moment de lecture très prenant, touchant et très dur. A travers son écriture journalistique et leurs regards, on se rend compte…. de beaucoup de choses…
Je remercie Babélio et les Editions du Rocher pour cet ouvrage que j’ai dévoré la gorge nouée.

« Tout le monde savait » de Valérie Bacot

Éditions Fayard
Parution le 12/05/2021
208 pages

Lire l’insoutenable…
Avant de commencer cette lecture, je me suis demandée si j’y arriverai. Une chose est sûre : il faut se sentir bien pour se lancer dans cette histoire.
Rien que le début est déjà saisissant, avec une enfance parsemée d’absences de tendresse, d’un père, d’amour… Que de manquements.
Au-delà de tout ce qui manquera à sa vie, il y aura tout ce dont personne n’aura jamais besoin, un quotidien riche en violences verbales et physiques, d’abus en tout genre.
Valérie Bacot livre ici son histoire, depuis sa non tendre enfance, où dès l’âge de 6 ans, son grand frère Christophe lui inflige un premier sévice. Un premier. Parce qu’ils seront très nombreux. Les suivants. Les pires. Ceux de l’autre. Et des autres.
« Tant que ça reste dans la famille, on ne va pas en faire tout un cinéma… »

Daniel. L’une des conquêtes de sa mère. Qui va rester. Malheureusement. Pour elle, il aurait pu être ce père qu’elle n’a jamais eu. Mais il a été tout le contraire. Ce beau-père s’acharnera sur Valérie, viols, violences et humiliations à répétition. Inimaginables. Et pourtant terriblement réels.
Il deviendra le père de ses quatre enfants, qu’elle aimera de tout son coeur et à qui elle voudra offrir une vie, la plus normale. Il n’en sera rien…
« Je me débrouille, ne pleure pas. Je ne ressens presque plus d’émotions, presque plus rien. J’ai l’habitude de mon malheur. »

Daniel deviendra bien malgré elle aussi son mari, puis son proxénète. Comme si elle n’avait d’autre choix que celui d’adopter le nom de son bourreau. Elle le subira, pendant toutes ces années. De pire en pire. De plus en plus pervers. Jusqu’au jour du déclic, pour que tout s’arrête enfin… Elle appuiera sur la gâchette…

C’est si difficile d’écrire sur ce que je viens de lire. Besoin d’un temps pour peser et poser mes émotions. J’ai ressenti cette haine qu’elle ne laisse pas transparaître. Quand elle est passée à l’acte, j’ai eu ce sentiment de soulagement pour elle. Mais même après sa mort, elle le sent toujours présent. Son emprise persiste. Il rôde toujours et encore autour d’elle.
Valérie Bacot nous raconte, ce qu’elle a vécu et encaissé pendant trop longtemps. Son témoignage m’a prise à la gorge. J’ai lu son livre d’une traite, j’étais suspendue aux mots de ses maux. Quel courage ! Comme si elle quittait son corps pour faire abstraction de ses souffrances.
Valérie, je vous souhaite à vous et vos enfants une belle vie sereine que vous méritez amplement. Parce que non, ce n’était pas votre faute…
Ce fut une lecture sans respirations, ou très brèves le temps de lever les yeux de ses pages poignantes.

« La violence physique, à force, on peut s’y accoutumer. Les menaces verbales, les tortures mentales, c’est tout le contraire : elles me désintègrent, me foudroient. »

« L’effet maternel » de Virginie Linhart

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Éditions Flammarion
Parution le 05/02/2020

Une mère, une vraie, est prête à tout pour ses enfants. Les aimer, les protéger, les aider, les soigner… être là pour eux, à chaque instant. Prête à tous les sacrifices pour leur offrir ce qu’il y a de meilleur. Se priver pour mieux leur donner.
Une mère, c’est aussi une confidente, celle vers qui on peut se tourner, toujours prête à accueillir ses petits. Penser aux délicates attentions, faire tout ce qui est en son pouvoir pour leur faire plaisir.
Une mère c’est un bouquet de générosité. Ce lien tissé pendant les 9 mois de la grossesse est indéfectible.
Et un père l’est tout autant.
Mais il y a mère et mère…

A travers ce récit, Virginie Linhart nous dresse un tout autre portrait maternel. C’est l’histoire d’un manque, de cette absence de piliers dès la plus tendre et jeune enfance. Une mère opportuniste, égoïste, ne songeant qu’au bon temps au détriment de sa fille. Celui d’une femme prête à tout, même parfois l’impensable, pour arriver à ses fins.
« Dans le bateau à la dérive qu’est notre famille, elle est l’unique capitaine. »

Ajoutant à cela un passé familial meurtri par la Shoah, que l’horreur de la déportation a frappé de plein fouet… Tout est inscrit dans la mémoire, celle qu’on enfouit, qu’on dissimule mais qu’on n’oublie pas…
« Répondre par le silence à une jeune fille en train de crever du silence qui entoure son histoire familiale est un choix discutable. »

Et puis la fille devient mère à son tour.  Sera-t-elle en proie à reproduire ce comportement qu’elle a toujours connu et dont elle a été la  victime ? Comment trouver l’équilibre requis en ayant pour base de vie, d’éducation et de vécu ces éléments qui complexifient la donne ?

C’est tout l’enjeu de ce livre sous l’écriture extraordinaire de Virginie Linhart, qui retrace ce chemin parcouru, au gré des autres, au gré d’elle-même.
Il y a de ces livres où, dès le titre et leur première prise en main, l’on sait déjà qu’ils vont provoquer quelque chose en nous. Et celui-ci est de ceux-là. Dès les premières lignes, j’ai compris. J’ai su qu’il allait m’accaparer, me toucher, me bouleverser et m’anéantir. Mais je n’imaginais pas encore à quel point son intensité serait forte.

Je remercie infiniment Lecteurs.com pour ce concours qui m’a permis de remporter et découvrir ce texte, cet intense récit.

« Le courage des autres » de Hugo Boris

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Éditions Grasset
Parution le 08/01/2020

Sélection Prix des Lectrices Elle 2020

Il avait pourtant  à sa disposition toutes les « armes » pour agir. Il connaissait les gestes et les prises précises qu’il venait d’acquérir en obtenant sa ceinture noire de karaté. Mais à l’occasion qui s’est présentée, l’environnement et les circonstances l’ont littéralement immobilisé. La peur l’a submergé, un seul réflexe s’est manifesté comme un automatisme : tirer le signal d’alarme.

Lorsqu’il fut le spectateur de cette agression dans les transports en commun, il n’a pas réagi. Face à ce sentiment de lâcheté qu’il éprouve envers lui-même, il a décidé de concilier dans ce qu’il appelle « Un herbier » les scènes quotidiennes du métro, RER et autres quais et couloirs, illustrant le courage ou la désinvolture des usagers.
« Quinze ans que je consigne dans le métro en quelques lignes, sur le vif, les cadeaux du hasard, le ravissement d’une scène, d’une rencontre, le saisissement d’un mot lu ou entendu. Quinze ans que j’herborise dans les transports en commun. »

Il est comme fasciné par ces comportements. Du haut de son strapontin, il observe, il recense. Et puis il nous raconte.

A le lire, je me suis prise à espérer le voir m’évoquer. Et si j’avais croisé son chemin sans le savoir ? J’ai lu ce livre au rythme effréné où défilent les métros, où passent les voyageurs, où changent les situations. On y sent sa fragilité et sa détresse, ce sentiment d’impuissance qui l’envahit parfois au détriment d’un courage qui peut tout aussi bien surgir sans prévenir.
« Lorsque nous sommes attaqués par surprise, notre première réaction est une courte phase d’hypervigilance : nous nous pétrifions, nous nous orientons sur la menace, nous scrutons, nous écoutons. »

J’ai aimé peut-être parce que ce quotidien c’est aussi le mien comme celui de millions de personnes. Il fallait juste avoir l’idée de capturer ses scènes sur les pages de ce superbe livre que nous offre Hugo Boris.

« …le courage qu’il faut pour avouer qu’on n’en a pas, je ne suis qu’un guéri imaginaire à cette seconde, je le sais… »

« Le consentement » de Vanessa Springora

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Éditions Grasset
Parution le 02/01/2020

Sélection Prix des Lectrices Elle 2020

Il est toujours difficile et très délicat de poser des mots sur une lecture aussi intime. Ce livre est bouleversant. La force dont Vanessa Springora fait preuve est immense à mon sens. Il en faut du courage pour se livrer de la sorte, à de parfaits inconnus que nous sommes, dévoiler cette intimité volée à quatorze ans.
Je suis fascinée par l’audace de l’auteure. Cette histoire est consternante, écrire avec tant de distance, comme si Vanessa Springora était à l’extérieur de son propre personnage. Prendre le recul nécessaire.
« Certains enfants passent leurs journées dans les arbres. Moi, je passe les miennes dans les livres. Je noie ainsi le chagrin inconsolable dans lequel l’abandon de mon père m’a laissée. »

C’est en découvrant son passé qu’on arrive à comprendre pourquoi c’est arrivé, ce terrain déjà tristement favorable. Comment elle a été l’élue… comme beaucoup d’autres, l’apprendra-t-elle ultérieurement à ces dépens. Cette absence de repères masculins a joué visiblement un rôle important dans le devenir de cette jeune fille, la privant des étapes essentielles de sa vie.
« Un père aux abonnés absents qui a laissé dans mon existence un vide insondable. Un goût prononcé pour la lecture. Une certaine précocité sexuelle. Et, surtout, un immense besoin d’être regardée. »

Elle a eu ce cran incroyable pour dénoncer les faits de cet homme, face à qui elle s’est retrouvée en totale admiration. Un homme qui s’intéresse à elle. Un homme qui use et abuse de ce charisme, sous couvert de son image artistique.
« Comment ne pas me sentir flattée qu’un homme, qui plus est un « homme de lettres », ait daigné poser les yeux sur moi ? »

Ce récit est juste, chaque mot pesé. J’ai été désarmée par sa puissance, son haut niveau littéraire, son implacable écriture.
« La vie auprès de G. ressemble plus que jamais à un roman. Sa fin sera-t-elle tragique ? »

Apprendre ce que cet individu fait de ses histoires vécues, de ces jeunesses dérobées même aux yeux de tous, et son tour de force jusqu’à rafler des prix littéraires. On ressent comme un vent de révolte souffler sur nous.
« Il avait fait profession de n’avoir de relations sexuelles qu’avec des filles vierges ou des garçons à peine pubères pour en retracer le récit dans ses livres. »
« Avec G., je découvre à mes dépens que les livres peuvent être un piège dans lequel on enferme ceux qu’on prétend aimer, devenir l’instrument le plus contondant de la trahison. »

Ses victimes sont stratégiquement choisies, il s’immisce dans leurs failles émotionnelles comme un lézard se faufile entre les deux pierres d’un mur au soleil. Les pierres, sa réputation, solide. La faille, la fissure dans l’âme de celles et ceux qu’il charme, qu’il emprisonne comme une araignée qui tisse sa toile autour de ses proies. Le soleil, le courage de ce récit.
« La vulnérabilité, c’est précisément cet infime interstice par lequel des profils psychologiques tels que celui de G. peuvent s’immiscer. C’est l’élément qui rend la notion de consentement si tangente. »

« La littérature excuse-t-elle tout ? »
Cette question ferait un très bon sujet de dissertation au bac littéraire.
Rien ne peut excuser de tels comportements. Utiliser les livres pour publier de tels actes avérés, véridiques, peut aussi être considéré comme une sorte d’exhibition en soi.

« En jetant son dévolu sur des jeunes filles solitaires, vulnérables, aux parents dépassés ou démissionnaires, G. savait pertinemment qu’elles ne menaceraient jamais sa réputation. Et qui ne dit mot consent. »

Ce livre devrait être mis entre toutes les mains, garçons, filles, dans les programmes scolaires. J’ai dû laisser du temps filer et après maints brouillons, enfin réussir à écrire les sentiments, les ressentiments, les émotions que ce livre m’a procurés. Ce n’est pas une graine que celui-ci a semé en moi, mais un nouveau grand et bel arbre dans la forêt de mes coups de coeur littéraires.
Vanessa Springora, chapeau bas et immense respect pour votre oeuvre, qui a provoqué en Moi un véritable tonnerre intérieur !

« 19 Femmes. Les syriennes racontent. » De Samar Yazbek

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Éditions Stock
Partition le 11/09/2019
Rentrée littéraire 2019
Sélection Prix des Lectrices Elle 2020

« Tout ce sang répondu et ces morts accumulées en valaient-ils la peine, était-ce le prix à payer pour la liberté et la dignité que nous réclamions ? Et que sont cette « dignité » et cette « liberté » devant cette violence déchaînée ? »

Une bien dure lecture. 19 femmes syriennes témoignent de l’horreur de leurs quotidiens. Lorsqu’elles nous racontent ce qu’elles voient, ce qu’elles vivent, ce qu’elles subissent, en tant que lectrice, je suis passée par tous les stades de l’émotion. La peur. L’angoisse. L’incompréhension. La tristesse. L’impuissance la plus totale face à leurs situations.

Mais ces femmes ne sont pas seulement dans une position de victimes. Elles sont fortes, elles sont rebelles, des battantes, des guerrières à leurs manières.
J’ai eu l’impression de visionner un véritable reportage, j’ai vu, devant mes yeux, ce que Samar Yazbek a fidèlement écrit, dans le respect des « maux » de chacune d’elles.

J’ai aussi trouvé l’introduction d’un très grand intérêt. Elle nous permet de bien poser « Le décor » du livre, de comprendre la démarche de l’auteure et le sens à lui donner.

En prêtant sa plume à ses femmes, Samar Yazbek leur a donner le pouvoir de s’exprimer.
J’avoue que cette lecture a été difficile, poser des images sur les atrocités ici racontées, mais c’est là que Samar Yazbek a parfaitement mené son projet de retranscription et surtout de mémoire.